J'avais décidément un truc avec cette forêt. J'y retournais encore et toujours. Elle était plus jolie en hiver, ça je ne pouvais pas le nier. Mais au moins, en cette saison, je n'avais pas besoin de vêtements chauds. J'avais juste enfilé une petite robe et une paire de sandales pour sortir du château ce matin. Certes, d'abord, j'avais évité la forêt Noire. Oui, je m'étais baladée un peu sur les terres autour de la Table du Thé. Mais j'avais finalement fini là, dans ce qui était pour moi l'endroit de ma première rencontre avec le Chat, lors de mon premier voyage au Pays des Merveilles. Même si j'étais à LiW, je ne désespérais pas de rencontrer ici aussi le matou violet.

Je m'étais donc engagée sur le sentier qui balisait l'endroit. Enfin, il n'avait de sentier que le nom, je vous l'accorde. Je suivais plus ou moins les traces de mes prédécesseurs. Qu'étaient-ils devenus, eux ? Oui, bonne question. J'espérais qu'ils avaient retrouvés leur chemin. Et je souhaitais surtout avoir la même chance qu'eux. On allait m'attendre au château, si je ne rentrais pas avant le soir. Il ne fallait pas me perdre. Cela aurait été trop bête, surtout que si je m'étais aventurée là, c'était pour le simple plaisir de ma curiosité maladive. Oui, il fallait que je me concentre pour pouvoir sortir d'ici plus tard. Il n'y aurait personne pour m'aider, de toutes façons. Ou plutôt personne de bien intentionné.
Je m'étais vite habituée à croiser des gens tout aussi gentils et généreux que d'autres étaient mesquins et malveillants. Heureusement, en choisissant la cour de la Reine Blanche, je m'éloignais quelque peu de la deuxième sorte de personnes. Même si je faisais tomber tous mes efforts à l'eau par ma simple présence ici, et seule de surcroît. J'étais folle, et surtout inconsciente. Rien de bien grave, heureusement. C'était moi, quoi.


Je marchais donc sur le sentier. Mes pas résonnaient sous le lourd couvert des arbres. L'air chaud de ce début d'été était retenu sous les nombreuses feuilles et les hautes branches qui formaient une voûte, ce qui rendait l'endroit pareil à un four. Ma tenue légère n'était pas de trop aujourd'hui. Je n'osais imaginer la vie des animaux à poils dans cet endroit. Ils devaient avoir trop chaud 6 mois de l'année, ça devait être insupportable. Peut-être que cela expliquait l'endroit désert, au final. Aucun humain ne se serait risqué à habiter ici, et aucun animal digne de ce nom ne pouvait supporter pareil moiteur au point d'y vivre.

Enfin. Je devais m'être trompée. Au loin, je vis une forme s'approcher d'un trou et s'en éloigner, l'air dépité. Tiens, le prédateur n'avait pas du trouver de proie ici ! D'une voix guillerette, je l'interpellais, sans vraiment savoir à qui je pouvais avoir affaire. Mais je m'en moquais, l'être en question n'était pas bien gros et n'avait pas l'air bien dangereux.

- Alors, ça mord ou pas ?

A peine arrivée, un rire fantomatique emplit l'air. Chouette accueil. Pour un peu, on se croirait dans un train fantôme. Je venais de passer la première porte, et un haut-parleur grésillant venant de lâcher le premier de ce qui allait devenir une série de piètres démonstrations effrayantes. Enfin. J'avais du m'endurcir, ici. Même dans un train fantôme, j'aurais hurlé de peur. Là, rien. A vrai dire, rien ne me disait que ce qui avait crié/hurlé/rigolé était vivant. Enfin, si, ça devait être vivant pour produire pareil bruit. Mais ça n'était pas forcément méchant. Enfin, j'espérais de tout coeur, quoi. Et puis voilà.

Le félin à qui j'avais adressé la parole se tourna, un sourire bien connu sur le visage. Tiens ! Quand on parle du loup, on en voit la queue ! Ou plutôt, quand on pense au chat, on en voit les dents. Oui, il méritait bien un proverbe juste à son image, Cheschire. Je me souvenais de son nom. Enfin, son titre plutôt. je me souvenais avoir entendu parler du "Chat de Cheschire". Ouais, ça devait être un titre. Ou alors, il ne voulait pas qu'on oublie son origine féline. M'enfin, ça m'importait peu, là-maintenant-tout-de-suite.

Il tourna le reste de son corps *beurk* et me tendit la main. Oh, et en plus il était resté galant. Mais toujours avec ce sourire de psychopathe. On devait s'y faire, j'pense. Mais pas maintenant, pour moi. Je restais quand même relativement mal à l'aise devant cette rangée de dents. Je m'avançais de quelques pas, et je pris cette main tendue. Cette patte tendue. Cette chose tendue. bref. D'une secousse énergique, je le saluais. j'essayais surtout d'omettre les griffes sorties qui auraient pu m'écorcher vive au moindre faux pas de ma part. Mais je tins bon, et je lui fis un sourire, moins plein de dents, mais que j'espérais tout aussi étrange que le sien.

- Salut le Chat ! Je suis bien Alice. Enfin, je crois... ta forêt ne doit pas être malsaine à ce point. Sinon, qu'est-ce je fous là ? J'devais avoir envie de te voir, je sais pas... Une soudaine envie de minous p't'être...

Je jouais avec ma vie. Ma peau. Mais il m'amusait, le bonhomme poilu. Et puis, dans mes souvenirs, il n'était pas si méchant que ça...